CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE BOYCHEV ET AUTRES c. BULGARIE
(Requête no 77185/01)
ARRÊT
STRASBOURG
27 janvier 2011
AFFAIRE BOYCHEV ET AUTRES c. BULGARIE
(Requête no 77185/01)
ARRÊT
STRASBOURG
27 janvier 2011
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Peer Lorenzen, président,
Renate Jaeger,
Rait Maruste,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Zdravka Kalaydjieva,
Ganna Yudkivska, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Renate Jaeger,
Rait Maruste,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Zdravka Kalaydjieva,
Ganna Yudkivska, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 décembre 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 77185/01) dirigée contre la République de Bulgarie et dont trois ressortissants de cet Etat, M. Biser Georgiev Boychev, M. Mihail Dimitrov Sergeev et Mme Rumyana Georgieva Sharova (« les requérants ») et une association, l'Église de l'unification (« l'association requérante ») ont saisi la Cour le 6 novembre 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par Mes V. Meneva et Y. Grozev, avocats à Sofia. Le gouvernement bulgare (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme M. Kotseva, du ministère de la Justice.
3. Les requérants se plaignent de l'intervention de la police au cours d'un rassemblement religieux ainsi que du refus d'enregistrement de l'association requérante en tant que confession.
4. Le 28 novembre 2006, le président de la cinquième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5. Les trois premiers requérants sont des ressortissants bulgares. M. Biser Boychev est né en 1966 et réside à Parvenets, M. Mihail Sergeev est né en 1957 et réside à Sofia, Mme Rumyana Sharova est née en 1974 et réside à Berlin. L'association requérante, l'Église de l'unification, est un groupement religieux actif en Bulgarie depuis 1992.
A. Les évènements du 6 avril 1997 et les démarches entreprises par les requérants
6. A partir de 1992, les trois requérants devinrent adeptes de la branche bulgare de l'Église de l'unification (Обединителна църква), également connue sous le nom d'Association de l'Esprit Saint pour l'unification du christianisme mondial, fondée par Sun Myung Moon en 1954. Les réunions auxquelles ils participèrent auraient été à plusieurs reprises interrompues par la police.
7. Le 6 avril 1997, les requérants assistèrent à un rassemblement d'une dizaine de personnes au domicile de la troisième requérante, Mme Sharova, à Blagoevgrad. La réunion fut interrompue par des policiers munis d'une autorisation préalable d'un procureur de district d'effectuer une perquisition. Les policiers procédèrent à un contrôle d'identité des personnes présentes et à la perquisition de l'appartement. Ils saisirent des livres, des cassettes VHS, des formulaires d'adhésion, ainsi qu'un téléviseur et un magnétoscope appartenant à la troisième requérante. Le procès-verbal notifié à cette dernière faisait référence aux dispositions du code de procédure pénale (CPP) relatives à l'enquête de délit flagrant.
8. Il ressort des courriers échangés par la suite entre la direction régionale des affaires intérieures (DRAI) de Blagoevgrad, le parquet de district et le parquet régional que l'intervention des policiers et la perquisition effectuée visaient l'interruption de la réunion, considérée comme illégale dans la mesure où l'organisation religieuse n'était pas enregistrée et reconnue en Bulgarie. Certains de ces documents faisaient référence à l'article 185 du CPP et à la compétence générale du parquet pour la prévention des actes illégaux et des infractions pénales.
9. Les 17 et 22 avril 1997, la troisième requérante s'adressa respectivement au procureur de district et à la DRAI pour demander la restitution des objets saisis. Le téléviseur et le magnétoscope lui furent restitués le 22 avril 1997. Les autres objets saisis ne furent pas restitués, apparemment en raison d'un refus du procureur.
10. Le 28 juillet 1997, les trois requérants engagèrent une action en responsabilité contre la DRAI, le parquet général et le parquet de district de Blagoevgrad. Ils soutenaient que la perquisition et la saisie effectuées étaient irrégulières dans la mesure où rien n'indiquait que le rassemblement des membres de leur église était illégal. Les requérants réclamaient une indemnisation au titre du préjudice moral subi ainsi que la restitution des objets saisis.
11. Par une ordonnance du 16 novembre 1998, le tribunal de district de Blagoevgrad déclara l'action irrecevable au motif que les requérants n'avaient pas invoqué la loi sur la responsabilité de l'Etat mais la responsabilité délictuelle de droit commun et que les agissements des policiers étaient par ailleurs en conformité avec la loi.
12. Sur recours des requérants, le 14 juillet 1999, le tribunal régional de Blagoevgrad annula la décision d'irrecevabilité au motif qu'il appartenait au tribunal de procéder à la qualification juridique des faits dont il avait été saisi. L'affaire fut renvoyée au tribunal de district pour un examen sur le fond.
13. Par un jugement du 19 mai 2000, le tribunal rejeta la demande des requérants au motif que les policiers avaient agi conformément à la loi et dans le cadre de l'autorisation donnée par le parquet et que les intéressés n'avaient en outre pas démontré avoir subi un préjudice. Il fit droit à la demande de restitution des objets saisis.
14. Les requérants, la DRAI et le parquet de district interjetèrent appel. Les requérants réitérèrent que l'inscription en tant que confession n'était pas une condition à l'exercice de la liberté de religion et qu'ils n'avaient dès lors commis aucun acte illégal qui aurait pu justifier l'intervention de la police.
15. Par un jugement du 18 avril 2001, le tribunal régional de Blagoevgrad rejeta l'appel des requérants. Il constata que la perquisition avait été ordonnée à la suite de l'information reçue par la police qu'un rassemblement des membres de la « secte Moon » allait avoir lieu dans l'appartement de la troisième requérante. La police avait dûment demandé et obtenu l'autorisation du procureur pour procéder à une perquisition. Les policiers qui s'étaient rendus sur place avaient contrôlé l'identité des personnes présentes, procédé à une perquisition et saisi plusieurs livres, des cassettes VHS, des formulaires d'adhésion à l'association, un magnétoscope et un téléviseur. Ils avaient agi conformément à la loi et n'avaient pas eu pour but de causer un préjudice aux intéressés, qui n'avaient au demeurant pas démontré un tel dommage. Bien au contraire, c'étaient les requérants qui avaient enfreint la loi en participant à un rassemblement religieux en l'absence d'enregistrement préalable de leur mouvement en vertu de la loi sur les confessions.
16. Le tribunal infirma le premier jugement dans la partie ordonnant la restitution des objets saisis. Il observa qu'il s'agissait d'éléments de preuve et que leur sort devait être décidé par les autorités de poursuite ou, le cas échéant, par les juridictions pénales. Ce jugement n'était pas susceptible de recours.
B. Tentatives des requérants d'inscrire l'Église de l'unification en tant que confession
17. A une assemblée générale tenue le 8 novembre 1998, 34 membres fondateurs décidèrent la création de l'association requérante, adoptèrent des statuts et élurent ses dirigeants. En vertu des articles 2 et 3 des statuts, le but de l'organisation était la confession de la foi chrétienne, basée sur le principe d'harmonie universelle et de paix entre tous les humains. Ses activités devaient consister, entre autre, en l'organisation de services religieux, l'étude de la Bible, l'édition d'ouvrages religieux et des actions de charité.
18. Le 9 décembre 1998, le premier requérant, M. Boychev, en sa qualité de président du conseil d'administration, déposa auprès du Conseil des ministres une demande d'enregistrement de l'association en tant que confession en vertu de l'article 6 de la loi sur les confessions. Il y joignit les statuts de l'association ainsi que les procès-verbaux de l'assemblée générale constitutive et de la première réunion du conseil d'administration.
19. N'ayant pas reçu de réponse dans le délai légal d'un mois, le 22 janvier 1999 le premier requérant saisit la Cour administrative suprême d'un recours contre ce qu'il estimait être une décision implicite de rejet de la part de l'administration.
20. Peu de temps après le premier requérant reçut une lettre du Conseil des ministres, datée du 6 janvier 1999, lui indiquant qu'une grande partie des textes des documents présentés à l'appui de la demande d'enregistrement étaient imprécis et incomplets, ce qui ne permettait pas de vérifier leur conformité aux exigences de l'article 37 alinéa 2 de la Constitution, ni de distinguer l'association des autres mouvements religieux. En application de l'article 30 de la loi sur les confessions, le requérant était invité à modifier les statuts conformément aux observations formulées et à préciser la spécificité de la communauté religieuse en cause.
21. Par une ordonnance du 1er mars 2000, la Cour administrative suprême déclara le recours introduit par le premier requérant irrecevable au motif qu'il n'y avait pas de refus, exprès ou implicite, susceptible de recours. La cour observa que l'autorité administrative n'avait pas rejeté la demande, n'ayant pas pu juger de la conformité de l'association à la Constitution à partir des éléments disponibles. Elle avait donc indiqué au requérant qu'il devait préciser les statuts de l'organisation. A cela s'ajoutait le fait que la loi sur les confessions astreignait l'autorité administrative à examiner toute demande d'inscription et à rendre une décision écrite. Dans ces circonstances, on ne pouvait considérer être en présence d'une décision implicite de rejet.
22. Sur recours du premier requérant, le 8 mai 2000, une formation élargie de la Cour administrative suprême confirma l'ordonnance attaquée pour des motifs similaires.
23. Les requérants ne donnèrent pas suite à la lettre du Conseil des ministres du 6 janvier 1999.
24. En janvier 2002, le premier requérant demanda l'enregistrement d'une association, la Fédération familiale pour la paix mondiale et l'unification, en vertu de la nouvelle loi sur les personnes morales à but non lucratif. Selon les statuts, l'association avait pour but l'accomplissement de la paix et de l'unité dans le monde, fondées sur l'éducation d'individus murs et harmonieux au sein de familles saines et stables. Par un jugement du 23 janvier 2002, le tribunal de la ville de Sofia ordonna l'inscription au registre de l'association, dont le premier requérant était le président et dont le deuxième requérant, M. Sergeev, était membre du conseil d'administration.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. La Liberté de religion dans les textes fondamentaux
25. L'article 13 de la Constitution de 1991 proclame la liberté des cultes et la séparation des institutions religieuses de l'Etat. Des dispositions similaires étaient également contenues dans la loi sur les confessions de 1949.
26. L'article 37 de la Constitution proclame la liberté de la conscience et de la pensée ainsi que le libre choix d'une confession et de convictions religieuses ou athéistes. L'article 37 alinéa 2 dispose que la liberté de conscience et de religion ne saurait être dirigée contre la sécurité nationale, la santé ou la morale publiques ou contre les droits et libertés des autres citoyens.
B. La personnalité juridique des associations cultuelles
27. A l'époque des faits de l'espèce, une association cultuelle acquérait la personnalité juridique si elle obtenait le statut de confession en application de la loi sur les confessions de 1949 (закон за изповеданията). En vertu de l'article 6 de cette loi :
« Une confession est réputée reconnue et acquiert la personnalité juridique après l'approbation de ses statuts par le Conseil des ministres ou par un vice-premier ministre habilité à cet effet. »
Le droit bulgare ne contient aucune disposition procédurale spécifiquement applicable à l'examen par le Conseil des ministres d'une demande d'agrément. En vertu des dispositions générales de la loi sur la procédure administrative, en vigueur à l'époque, un organe administratif saisi d'une demande devait se prononcer dans un délai de sept jours ou, lorsqu'il est nécessaire de rassembler des éléments complémentaires, dans un délai d'un mois. En l'absence de réponse dans ce délai, les personnes concernées pouvaient introduire un recours contre la décision implicite de rejet dans un délai de deux semaines.
28. Une association pouvait également acquérir la personnalité juridique en effectuant un enregistrement en tant que personne morale à but non lucratif en application de la loi de 1949 sur les personnes et la famille (закон за лицата и семейството). L'article 133a de cette loi, introduit le 18 février 1994, disposait toutefois que l'enregistrement des organisations ayant une activité de culte ou d'enseignement religieux n'était effectué qu'après l'agrément préalable du Conseil des ministres.
29. La nouvelle loi sur les personnes morales à but non lucratif (закон за юридическите лица с нестопанска цел), entrée en vigueur le 1er janvier 2001, ne prévoit pas de condition similaire pour l'enregistrement de telles associations.
30. Par ailleurs, une nouvelle loi sur les confessions religieuses (закон за вероизповеданията) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a modifié la procédure d'enregistrement des confessions, qui est désormais effectué devant le tribunal de la ville de Sofia.
C. Les activités religieuses des associations non enregistrées
31. Aucune disposition du droit interne ne subordonne expressément l'exercice de la liberté de religion et l'organisation de rassemblements religieux à l'enregistrement préalable d'une association cultuelle en tant que personne morale.
32. Toutefois, à l'époque des faits de l'espèce, de tels rassemblements étaient souvent interrompus par la police au motif que l'association concernée n'était pas enregistrée (voir les faits dans les affaires suivantes examinées par les organes de la Convention – Lotter et Lotter c. Bulgarie (règlement amiable), no 39015/97, 19 mai 2004 et Khristiansko sdruzhenie Svideteli na Jehova c. Bulgarie, no 28626/95, décision de la Commission du 3 juillet 1997).
33. La jurisprudence interne en la matière est peu abondante et parfois contradictoire. Dans des circonstances similaires à celles de l'espèce, le tribunal de district de Sofia a considéré qu'en cas de refus d'enregistrement, les activités cultuelles d'une association étaient illégales ; il avait toutefois considéré la perquisition effectuée irrégulière en l'absence de procédure pénale en cours (Реш. от 28.03.1998г., д. № 11650/95). Le même tribunal a considéré dans une autre affaire qu'une perquisition était légale dès lors qu'elle avait été ordonnée par le parquet, mais que l'organisation de réunions des membres d'une association religieuse n'était pas subordonnée à l'enregistrement de cette dernière, les autorités se réservant toutefois le droit d'intervenir en cas de risque pour la santé publique ou la morale (Реш. от 02.02.1999г., д. № 11281/95).
34. Par un arrêt du 14 mai 2001 (Реш. № 3270 от 14.05.2001 г. по адм. д. № 2174/2000 г., III отд.), la Cour administrative suprême a confirmé que le droit interne n'imposait aux associations religieuses aucune obligation d'enregistrement et que leurs membres étaient dès lors libres de se rassembler même en l'absence d'un tel enregistrement.
D. Dispositions relatives aux perquisitions et saisies
35. En vertu des articles 134 et 135 du code de procédure pénale de 1974 (CPP), tels qu'en vigueur à l'époque des faits, une perquisition et une saisie pouvaient être ordonnées par le procureur ou le tribunal lorsqu'il existait des raisons plausibles de supposer que des objets ou documents relatifs à une procédure pénale en cours se trouvaient dans un local donné. La police pouvait effectuer une perquisition et une saisie sans mandat du procureur dans le cadre d'une enquête sur un délit flagrant (article 409 alinéa 1 et article 171 alinéa 2 CPP).
36. L'enquêteur, la police ou d'autres autorités administratives compétentes pouvaient effectuer une inspection des lieux, une perquisition et une saisie en dehors d'une procédure pénale, dans le cadre d'une enquête préliminaire destinée à déterminer la nécessité d'engager une procédure, mais uniquement si leur réalisation immédiate était l'unique moyen de recueillir et préserver des preuves (article 191 CPP). Ils devaient dans ce cas immédiatement en informer le procureur.
37. En vertu de l'article 108 CPP, les éléments de preuve matériels étaient gardés jusqu'à la fin de la procédure pénale. Les objets saisis pouvaient être restitués à leur propriétaire avant la fin de la procédure si cela pouvait être fait sans compromettre le bon déroulement de celle-ci. A compter du 1er janvier 2000, un éventuel refus de l'enquêteur ou du procureur de les restituer était susceptible d'un recours judiciaire.
E. Prérogatives du parquet en vertu de l'article 185 CPP
38. En vertu de l'article 185 CPP, applicable au moment des faits (cette disposition a été abrogée le 30 mai 2003), le procureur pouvait prendre toutes les mesures nécessaires à empêcher la perpétration d'une infraction pénale dont on pouvait craindre la commission.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 8, 9 ET 13 DE LA CONVENTION RELATIVEMENT A L'INCIDENT DU 6 AVRIL 1997
39. Les trois requérants personnes physiques allèguent que l'intervention de la police, la perquisition et la saisie effectuées le 6 avril 1997 ont porté atteinte à leur droit au respect de la vie privée et du domicile, ainsi qu'à leur liberté de manifester leur religion, en violation des articles 8, 9 et 13 de la Convention. Les dispositions en question sont libellées comme suit :
Article 8
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 9
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Thèses des parties
40. Les requérants soutiennent que l'intervention de la police, la perquisition et la saisie effectuées au domicile de Mme Sharova n'étaient pas « prévues pas la loi » dans la mesure où elles ont été réalisées en dehors d'une quelconque procédure pénale et que la tenue d'une réunion religieuse même sans enregistrement préalable ne pourrait être considérée comme contraire à la loi bulgare. La loi applicable n'était en outre pas suffisamment claire et prévisible pour satisfaire les exigences des articles 8 et 9 de la Convention.
41. Ils estiment que de telles mesures, fondées uniquement sur le fait que leur association religieuse n'avait pas été enregistrée, constituaient en tout état de cause une atteinte disproportionnée à leurs droits.
42. Les juridictions internes ayant refusé de se pencher sur le caractère proportionné ou non de ces mesures, les requérants estiment avoir été privés d'un recours effectif au sens de l'article 13.
43. Le Gouvernement n'a pas commenté ces griefs.
B. Sur la recevabilité
44. La Cour constate que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'ils ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.
C. Sur le grief tiré de l'article 9
1. Sur l'existence d'une ingérence
45. La Cour examinera d'abord le grief des requérants sous l'angle de l'article 9 de la Convention. Elle rappelle que si la liberté religieuse, au sens de l'article 9 de la Convention, relève d'abord du for intérieur, elle implique de surcroît la liberté de « manifester sa religion » individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. L'article 9 énumère les diverses formes que peut prendre la manifestation d'une religion ou d'une conviction, à savoir le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites (Kokkinakis c. Grèce, 25 mai 1993, § 31, série A no 260-A ; Kouznetsov et autres c. Russie, no 184/02, § 56, 11 janvier 2007 ; Perry c. Lettonie, no 30273/03, § 52, 8 novembre 2007).
46. La Cour note que le rassemblement auquel les requérants participaient le 6 avril 1997 était celui d'un groupement religieux dont ils étaient les adeptes et que les autorités ont elles-mêmes considéré qu'il s'agissait d'une réunion religieuse ; les évènements en question entrent dès lors dans le champ d'application de la protection offerte par l'article 9 de la Convention. Dans ces circonstances, l'interruption par la police de cette réunion, la perquisition et la saisie effectuées ont constitué une ingérence dans l'exercice par les requérants de leur droit de manifester leur religion.
47. Pareille ingérence emporte violation de l'article 9, sauf si elle est prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique pour atteindre un but légitime (Perry, précité, § 57).
2. Sur la justification de l'ingérence
48. Selon la jurisprudence constante de la Cour l'expression « prévues par la loi » figurant à l'article 9 § 2 de la Convention exige non seulement que les mesures incriminées aient une base en droit interne, mais vise aussi la qualité de la loi en cause. Ainsi, celle-ci doit être suffisamment accessible et prévisible, c'est-à-dire énoncée avec assez de précision pour permettre à l'individu – en s'entourant au besoin de conseils éclairés – de régler sa conduite. Le droit interne doit offrir une certaine protection contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par la Convention. Lorsqu'il s'agit de questions touchant aux droits fondamentaux, la loi irait à l'encontre de la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique consacrés par la Convention, si le pouvoir d'appréciation accordé à l'exécutif ne connaissait pas de limite. En conséquence, elle doit définir l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir avec une netteté suffisante (voir, parmi d'autres, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, § 84, CEDH 2000-XI).
49. En l'occurrence, il ne ressort pas clairement des actes rendus par les autorités bulgares quelle était la base légale de l'intervention de la police au cours de la réunion tenue au domicile de la troisième requérante, de la saisie et la perquisition effectuées. En effet, si le procès-verbal signifié à l'intéressée ainsi que certaines décisions ultérieures faisaient référence à une enquête pénale et aux dispositions du code de procédure pénale relative à l'enquête de flagrance (paragraphes 7, 16 et 35-37 ci-dessus), il n'apparaît pas qu'à un quelconque moment une procédure pénale ait été ouverte au sujet des faits en cause ou à l'encontre des participants à la réunion. Dans ces circonstances, la Cour ne saurait considérer que l'ingérence litigieuse avait pour base légale les dispositions susmentionnées du code de procédure pénale.
50. Par ailleurs, dans la mesure où les autorités de la police et les juridictions internes dans leurs décisions se sont référées à l'article 185 CPP et à la compétence du parquet en matière de prévention des infractions pénales, la Cour observe que la disposition en question était formulée de manière extrêmement vague. Compte tenu de cette formulation, il apparaît presque impossible de prévoir dans quelles circonstances le parquet pouvait intervenir et quelles étaient les mesures susceptibles d'être entreprises à ce titre. Il en résulte que le parquet avait un pouvoir discrétionnaire presque sans limites, qui paraît incompatible avec le degré minimum de protection exigé par l'impératif de prééminence du droit (voir, mutatis mutandis, Zlínsat, spol. s r.o. c. Bulgarie, no 57785/00, § 99, 15 juin 2006).
51. En outre, le droit interne n'était pas clair quant à la possibilité de tenir rassemblement religieux en l'absence d'enregistrement de l'organisation en question – en effet, malgré le principe énoncé à l'article 13 de la Constitution et le fait qu'aucune autre disposition ne prévoyait une telle condition, il existait à l'époque des faits de l'espèce une pratique administrative, cautionnée par une partie de la jurisprudence, dans le sens que de tels rassemblements étaient illégaux (paragraphes 31-34 ci-dessus). Dans ces circonstances, les dispositions du droit interne n'apparaissent pas comme suffisamment claires et précises pour permettre aux requérants de régler leur conduite.
52. En conclusion, et en l'absence d'autres explications de la part du Gouvernement, la Cour estime que l'ingérence litigieuse était dépourvue d'une base légale en droit interne répondant aux exigences de l'article 9 de la Convention et n'était dès lors pas « prévue par la loi » au sens de cette disposition. Eu égard à ce constat, il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen du grief pour rechercher si l'ingérence visait un but légitime et était nécessaire dans une société démocratique (Hassan et Tchaouch, précité, § 88).
53. Il y a donc eu violation de l'article 9 de la Convention dans le chef des trois requérants personnes physiques.
D. Sur le grief tiré de l'article 13 combiné avec l'article 9
54. La Cour rappelle que l'article 13 de la Convention garantit l'existence en droit interne d'un recours pour les griefs que l'on peut estimer « défendables » au regard de la Convention. Un tel recours doit habiliter l'instance nationale compétente à connaître du contenu du grief fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié, même si les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que fait peser sur eux cette disposition (voir, parmi d'autres, Hassan et Tchaouch, précité, § 96).
55. En l'espèce, compte tenu de son constat ci-dessus, la Cour estime que les trois requérants disposaient d'un grief défendable de violation de l'article 9 de la Convention. Le droit interne devait donc leur offrir un recours adéquat.
56. La Cour observe que les requérants ont introduit une action sur le fondement de la loi sur la responsabilité de l'Etat mais que celle-ci a été rejetée au motif que l'intervention des autorités était conforme à la législation interne. Elle relève cependant que les juridictions internes ne se sont pas penchées sur les arguments des requérants tirés de l'article 9. Or, pour qu'un recours soit effectif au sens de l'article 13, il faut que les autorités internes statuant sur l'affaire examinent le fond du grief tiré de la Convention (Glas Nadejda EOOD et Anatoli Elenkov c. Bulgarie, no 14134/02, § 69, CEDH 2007-XI (extraits) ; Smith et Grady c. Royaume-Uni, nos 33985/96 et 33986/96, § 138, CEDH 1999-VI). Cette voie de recours était donc dépourvue d'efficacité en l'espèce.
57. La Cour note par ailleurs que le Gouvernement n'a invoqué aucun autre recours disponible en droit interne dont les intéressés auraient pu faire usage. Au vu de ces éléments, la Cour conclut que les requérants ne disposaient pas d'un recours susceptible de remédier à leur grief.
58. Partant, il y a eu violation de l'article 13 combiné avec l'article 9 de la Convention.
E. Sur le grief tiré de l'article 8 seul et combiné avec l'article 13
59. Compte tenu de sa conclusion ci-dessus de violation de l'article 9 et de l'article 13, la Cour n'estime pas nécessaire d'examiner séparément le grief tiré de l'article 8, seul et en combinaison avec l'article 13 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 9, 11 ET 13 DE LA CONVENTION RELATIVEMENT AU REFUS D'ENREGISTREMENT DE L'ASSOCIATION REQUÉRANTE
60. Les requérants soutiennent que le refus des autorités de procéder à l'enregistrement de leur organisation en tant que confession reconnue a emporté violation des articles 9, 11 et 13 de la Convention. Les libellés des articles 9 et 13 figurent au paragraphe 39 ci-dessus. L'article 11 dispose dans ses passages pertinents :
« 1. Toute personne a droit (...) à la liberté d'association (...).
2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. (...) »
A. Thèses des parties
61. Le Gouvernement considère qu'il n'y a pas eu d'ingérence dans l'exercice des droits invoqués par les requérants. Selon lui, les intéressés ne se sont pas vu opposer un refus, qu'il soit exprès ou tacite, d'enregistrer leur organisation en tant que confession. Le Conseil des ministres leur a indiqué qu'il était nécessaire de préciser certains aspects de leur requête afin qu'il soit possible d'examiner la conformité de celle-ci avec les exigences légales, et que la procédure était en cours. Le Gouvernement souligne que les requérants n'ont même pas essayé de se conformer aux indications données et que dans ces circonstances il ne serait pas possible de spéculer sur le sens de la réponse des autorités s'ils l'avaient fait.
62. Le Gouvernement soutient en outre que les requérants avaient la faculté de demander l'enregistrement de l'association requérante en tant que personne morale en application de l'article 133a de la loi sur les personnes et la famille, ce que beaucoup d'autres associations religieuses avaient fait à l'époque. Les intéressés auraient d'ailleurs fait usage de cette possibilité par la suite puisqu'ils ont créé et enregistré une association en 2002 en application de la nouvelle loi sur les personnes morales à but non lucratif.
63. Le Gouvernement indique par ailleurs que depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les confessions le régime d'enregistrement a été libéralisé et que plus de soixante nouvelles communautés ont été enregistrées, l'association requérante n'ayant entrepris aucune démarche en ce sens.
64. Les requérants estiment que les instructions données dans la lettre du Conseil des ministres étaient vagues et impossibles à suivre. Sans instructions plus précises ils ne pouvaient savoir quelles dispositions des statuts manquaient de clarté ni quel type d'information il fallait ajouter concernant les croyances et les pratiques de leur église, qui était au demeurant une organisation religieuse connue dans le monde entier. Les requérants considèrent qu'ils se trouvaient dès lors dans l'impossibilité de se conformer à ces instructions et qu'ils se sont ainsi vu opposer un refus d'enregistrement de leur confession.
65. En ce qui concerne la justification de l'ingérence, les requérants soutiennent que celle-ci n'était ni « prévue par la loi », ni proportionnée, que la loi interne laissait une trop grande discrétion à l'administration et qu'aucun motif concret de non-conformité avec la Constitution ou la loi ne leur avait été opposé. Ils considèrent par ailleurs que la création d'une association en 2002 et la possibilité de demander l'enregistrement de leur mouvement religieux en application de la nouvelle loi sur les confessions de 2003 ne sauraient remédier aux faits faisant l'objet de la présente requête, qui datent de plusieurs années auparavant.
66. Ils maintiennent qu'en refusant d'examiner au fond leur recours, les juridictions internes les ont également privés du recours effectif garanti par l'article 13 de la Convention.
B. Appréciation de la Cour
67. La Cour rappelle que, les communautés religieuses existant traditionnellement sous forme de structures organisées, l'article 9 doit s'interpréter à la lumière de l'article 11 de la Convention qui protège la vie associative contre toute ingérence injustifiée de l'Etat. Vu sous cet angle, le droit des fidèles à la liberté de religion, qui comprend le droit de manifester sa religion collectivement, suppose que ceux-ci puissent s'associer librement, sans ingérence arbitraire de l'Etat. Ainsi, le refus des autorités internes d'accorder le statut de personne morale à une communauté religieuse peut constituer une ingérence dans l'exercice par les intéressés de leur droit à la liberté d'association, mais aussi une ingérence dans le droit à la liberté de religion garanti par l'article 9 (Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et autres c. Autriche, no 40825/98, §§ 61-62, 31 juillet 2008 ; Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova, no 45701/99, § 105, CEDH 2001-XII ; Kimlya et autres c. Russie, nos 76836/01 et 32782/03, §§ 81 et 84, CEDH 2009-...).
68. Concernant la présente espèce, la Cour relève que les requérants ne se sont pas vu opposer un refus formel d'inscription de leur association en tant que confession. Dans le cadre de la procédure d'enregistrement, par une lettre du Conseil des ministres datée du 6 janvier 1999, émise dans le cadre du délai légal d'un mois dont disposait cet organe pour se prononcer, les requérants ont été invités à compléter et à préciser les documents présentés (voir paragraphe 20 ci-dessus). Les requérants n'ont pas répondu à cette demande et ont préféré maintenir le recours en annulation de ce qu'ils estimaient être un refus tacite de l'administration dont ils avaient saisis les juridictions internes. La Cour note qu'il ressort des éléments produits devant elle que les autorités administratives considéraient que la procédure d'enregistrement était en cours, ce qui a été expressément confirmé par la Cour administrative suprême qui a estimé qu'il n'y avait en l'espèce de la part de l'administration aucune décision de refus, qui comme telle aurait été susceptible de recours (paragraphe 21 ci-dessus).
69. Dans la mesure où les requérants soutiennent qu'il était impossible de satisfaire à la demande formulée dans la lettre du Conseil des ministres en raison du caractère imprécis des indications données, la Cour estime qu'il appartenait aux intéressés d'exprimer ces objections dans leur réponse et, en cas de refus subséquent d'enregistrement, de se pourvoir devant les juridictions compétentes (voir, pour une situation similaire, Borisov c. Bulgarie (déc.), no 62193/00, 26 février 2008). La Cour ne saurait en effet spéculer sur ce qu'aurait été la réponse des autorités compétentes et des juridictions internes si tel avait été le cas.
70. Dans ces circonstances, en l'absence de décision formelle sur la demande d'enregistrement des requérants la Cour n'est pas convaincue que le retour de cette demande, formalisé dans la lettre du 6 janvier 1999, afin qu'elle soit complétée et précisée ou, plus généralement, l'attitude des autorités compétentes puissent être considérés comme un refus de fait d'enregistrer l'association requérante (voir, a contrario, Ramazanova et autres c. Azerbaïdjan, no 44363/02, §§ 56-58, 1er février 2007, où la Cour est parvenue à une telle conclusion compte tenu des retards importants, près de quatre ans au total, accusés par les autorités à la suite des retours successifs de la demande d'enregistrement d'une association).
71. La Cour relève par ailleurs que dès le 1er janvier 2001, la nouvelle loi sur les personnes morales à but non lucratif permettait la constitution des associations religieuses en tant que personnes morales sans la condition d'obtenir l'agrément du Conseil de ministres. Les requérants ont d'ailleurs fait usage de cette possibilité et ont constitué une association en application de cette loi en janvier 2002 (paragraphe 24 ci-dessus).
72. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que le grief des requérants tirés des articles 9 et 11 des la Convention est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Lajda et autres c. République tchèque (déc.), no 20984/05, 3 mars 2009).
73. Dans ces circonstances, les requérants ne disposaient pas d'un « grief défendable » de méconnaissance des articles 9 et 11 de la Convention et l'article 13 ne trouve pas à s'appliquer. Il s'ensuit que le grief tiré de cette disposition est incompatible ratione materiae et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4.
III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
74. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
75. S'agissant des violations alléguées de la Convention en relation avec l'incident du 6 avril 1997, M. Boychev et M. Sergeev réclament 2 000 euros (EUR) chacun et Mme Sharova réclame 3 000 EUR au titre du préjudice moral qu'ils auraient subi.
76. Pour ce qui est du refus d'enregistrement de l'Église de l'unification en tant que confession, les requérants réclament un montant global de 5 000 EUR pour le dommage moral subi par les trois requérants personnes physiques et par les autres membres de l'association requérante. Ils demandent que ce montant soit versé à M. Sergeev pour le compte du groupement religieux.
77. Le Gouvernement n'a pas soumis de commentaires.
78. Statuant en équité, comme le prévoit l'article 41, la Cour considère qu'il y a lieu d'octroyer 2 000 EUR à chacun des trois requérants personnes physiques, soit un total de 6 000 EUR, au titre du préjudice moral pour la violation constatée des articles 9 et 13.
B. Frais et dépens
79. Les requérants demandent également 500 EUR pour les frais d'avocat engagés devant les juridictions internes et 4 970 EUR pour ceux engagés devant la Cour. Ils produisent un décompte du travail effectué par leurs avocats dans le cadre de la procédure devant la Cour, à hauteur de 41 heures pour Me Meneva et de 30 heures pour Me Grozev, soit un total de 71 heures au taux horaire de 70 euros. Ils demandent que les montants accordés à ce titre soient directement versés à leurs avocats.
80. Le Gouvernement n'a pas soumis de commentaires.
81. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce, la Cour relève qu'aucun justificatif n'a été produit par les requérants pour appuyer la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale et la rejette. En ce qui concerne la procédure devant la Cour, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, et notamment du fait qu'une partie des griefs a été déclarée irrecevable, la Cour estime raisonnable la somme de 2 500 EUR et l'accorde aux requérants.
C. Intérêts moratoires
82. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Déclare, à la majorité, la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 8, 9 et 13 en ce qui concerne l'intervention de la police lors de la réunion du 6 avril 1997 et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 9 de la Convention dans le chef des trois requérants personnes physiques ;
3. Dit, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 13 combiné avec l'article 9 de la Convention ;
4. Dit, à l'unanimité, qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief tiré de l'article 8, seul et en combinaison avec l'article 13 de la Convention ;
5. Dit, à l'unanimité,
a) que l'Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en levs bulgares selon le taux applicable au moment du règlement :
i. 2 000 EUR (deux mille euros) à chacun des trois requérants personnes physiques, soit 6 000 EUR au total, pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
ii. 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par les requérants, à verser sur le compte désigné par les avocats des requérants ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 janvier 2011, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président
Greffière Président
ARRÊT BOYCHEV ET AUTRES c. BULGARIE
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